Gemma Bovary (Note Technique)
La demande sur ce plan est de passer en hiver un plan tourné au printemps.
Pour cela il nous faudra rajouter de la neige sur le décor sans pour autant en changer ni la lumière ni la végétation afin rester cohérent avec les plans précédents du film. Au fil du plan nous ajouterons aussi une passe neige qui commence à tomber vers le milieu de la séquence. Ce plan représente un réel défi technique du fait de sa longueur (plan séquence de plus de 1600 images consécutives), de son mouvement de caméra en travelling (lent et continu) ainsi que de la proximité permanente de la caméra avec les éléments du décors (en particulier la route).
L’image est finalement intégralement retouchée. Le découpage technique suivant expose les différentes étapes.
L’objectif premier est de recréer un environnement virtuel complet en parfaite concordance avec la scène réelle.
Pour y parvenir nous commençons par le “motion tracking” réalisé grâce au logiciel 3DEqualizer. Cette étape nous permet d’extraire du plan filmé les informations de mouvement et de distorsion de la caméra. C’est ainsi que l’on crée une caméra virtuelle, cela nous permet également de modéliser sur Maya en partie la géométrie des volumes droits et simples d’un point de vue architecturale (la route, les murs des maisons et leurs toitures).
- Pour éviter les allers et retours entre les différents programmes informatiques, toutes les étapes suivantes habituellement réalisées dans un logiciel spécifique à la 3D seront traitées sur Nuke TheFoundry.
A l’aide de la caméra virtuelle, nous avons généré la géométrie de l’ensemble de l’environnement en 3D y compris la végétation et les volumes complexes.
Pour cela nous avons utilisé l’outil “point cloud generator” intégré à Nuke. Nous obtenons un nuage de plusieurs milliers de points situés dans un système de coordonnées à trois dimensions (ces points représentent l’enveloppe des objets) et de là on peut élaborer un “mesh”.
- Certains détails ne sont pas sculptés dans ce maillage mais il sera suffisamment précis pour l’utilité que nous en aurons.
L’étape suivante consiste donc à faire du “texture mapping”.
Pour la route:
Le mouvement de recul parcouru est d’environ 300m et le trucage doit fonctionner parfaitement sur plus de 1600 images.
Nous l’avons donc partitionné en 20 tronçons pour réaliser des textures d’une définition suffisante mais d’un poids correct pour qu’elles soient exploitables.
Chaque portion de route mesure environ 15 mètres en distance réelle (300m/20=15).
Ces 20 grandes textures de route enneigée sont créées à l’aide d’Adobe Photoshop (10 000 x 3 000 pixels chacune) elle sont appliquées sur le maillage de la route par la technique d’ ”UV mapping”.
Pour les toitures qui sont des volumes droits on a utilisé la technique de “camera mapping” : il s’agit de faire un “matte painting” dans la perspective du plan puis de faire une projection au travers de la caméra virtuelle directement sur la géométrie.
Pour ce qui est des volumes plus complexe (végétation: buissons et herbe) c’est la même technique de “camera projection” qui est utilisée, la différence intervient au moment de la création de l’image à projeter.
- Les mouvement de caméra travelling (déplacement de la caméra dans l’espace) ont la particularité de faire découvrir des zones de l’image préalablement caché et inversement en masquer d’autres à l’intérieur même du cadre de la caméra.
C’est pour cela que nous avons dû faire du “multi-camera mapping” et pour que cela fonctionne au mieux, il nous a fallu projeter un “matte painting” différent environ toutes les secondes. Ce qui nous donne un total de 70 images nécessaires.
Pour rendre possible la création de ces images, qui puissent raccorder entre elles une fois projetées, il a fallu se servir d’une technique classique mais rarement utilisée dans le cas de “camera mapping”: un étalonnage extrême.
On isole du plan original les 70 images fixes et on leur applique à toutes un même réglage d’étalonnage (augmenter l’exposition jusqu’à obtenir une image très blanche mais qui reste très contrastée).
Sur chacune de ces image modifiées on occulte toute les parties éloignées (par le technique de rotoscopie 2D) pour en projeter uniquement les zones les plus proches de la caméra afin de garder le maximum de définitions sur ces projections.
- Si l’on essayait d’appliquer ce même étalonnage directement sur le plan original, sans “camera projection”, on se rendrait compte que tout le grain de la vidéo serait extrêmement visible, ce qui exclut l’utilisation de l’étalonnage uniquement.
La colorimétrie de l’élément original a été traitée visant à blanchir le décor tout en préservant certaines zones sensées être moins affectées par la neige (les creux sous les feuilles, le ciel, les troncs des arbres, etc) et ceci grâce à des “keying” et des “mask”. Ceci tend à reproduire l’aspect d’une couche de givre.
Le dernier ajout consiste à faire tomber des flocons de neige. Ils ont été créés à l’aide du système de particules qui permet de générer des éléments en grande quantité dans l’espace 3D de Nuke. L’outil donne accès à pleins de paramètres agissant sur l’ensemble des flocons (leur poids, leur taille, leur nombre, l’incidence du vent, etc). Des photographies macroscopiques de vrais flocons ont été utilisées afin d’obtenir un réalisme dans le rendu.
Toutes les étapes décrites (neige sur la route, sur les toits, sur la végétation et les flocons qui tombent) ont donné lieu à des séquences animées qui ne contiennent que la neige ajoutée. Celles-ci viennent se superposer au plan original givré (a l’aide de modes de fusions 2D).
C’est seulement après ce travail de compositing final qu’on obtient un résultat cohérent.